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Le choix de l’organisation juridique dans le cadre des projets immobiliers en VEFA

La lutte contre l’étalement urbain est un enjeu environnemental majeur de notre époque. Le cap a été fixé par la loi climat et résilience : « le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix prochaines années doit être inférieur à la moitié de celle des dix années passées, avec pour objectif l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 » selon la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.


Le Ministère du logement et de l’habitat durable rappelait en 2017 dans son « Guilde de la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme » que le bon fonctionnement de la ville dense s’appuie sur une proximité des différentes fonctions qu’elle abrite, de l’emploi, du logement et des services.

En conséquence, les ensembles immobiliers tendent à se complexifier et à réunir en leur sein une multitude de destinations telles que divers types d’habitations (logements en accession, logements sociaux, résidence étudiante, etc…), des bureaux, des commerces, des locaux accueillant des équipements publics, formant une superposition de propriétés.

Dès lors, la division verticale opérée et l’organisation juridique à mettre en place seront déterminantes pour le bon fonctionnement de l’ensemble immobilier.


I. Les critères d’identification d’un ensemble immobilier complexe permettant de déroger au régime impératif de la copropriété

En premier lieu, les fervents défenseurs du statut protecteur de la loi du 10 juillet 1965 retenaient que la division en volumes pouvait être admise seulement pour un ensemble immobilier qui présentait une hétérogénéité constructive¹. Autrement dit, la division en volumes se justifiait dès lors qu’il existait une pluralité de bâtiments². C’est l’une des possibilités reprise par l’article 28 de la loi n° 65-557 qui autorise le recours à la volumétrie lorsque l’ensemble immobilier complexe comporte « plusieurs bâtiments distincts sur dalle » et l’interdit lorsqu’il s’agit d’un « bâtiment unique ». Toutefois, ce seul critère de pluralité de construction n’est pas suffisant. En effet, l’ensemble immobilier complexe devra justifier d’une imbrication et d’une superposition de plusieurs entités homogènes, dont chacune abrite une fonction spécifique, tout en permettant une gestion autonome.

L’imbrication est souvent créée par l’existence de constructions sur dalle. Sous la dalle, on trouvera différents niveaux comprenant un parc de stationnement et les locaux techniques de l’ensemble immobilier. Sur la dalle, différents bâtiments seront affectés à des utilisations différentes : habitations, bureaux, commerces, activités diverses. L’ensemble immobilier devra présenter une certaine indépendance entre ces différents programmes, tant au niveau des circulations (relative indépendance des accès) qu’en termes de gestion (locaux techniques propres, séparation des réseaux, présence de sous-comptage, etc.), de sorte que chaque programme soit en mesure de vivre indépendamment l’un de l’autre. Ces trois conditions sont également mentionnées dans l’article 28 de la loi n° 65-557 qui dispose que la volumétrie est également applicable aux ensembles immobiliers complexes qui comportent « plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome ». L’indépendance structurelle complète semble donc passer au second plan dans ce cas, d’autant que les différentes entités feront l’objet de servitudes entre-elles, qui permettent de garantir leur superposition. Enfin, lorsque l’ensemble immobilier est véritablement complexe, de par l'existence d'une pluralité de destinations, exclusion faite des simples commerces en pied d'immeuble, et qu’il possède une large autonomie dans l’exploitation des différentes parties (utilisation, équipements, services), l'utilisation de la division en volumes reste une possibilité malgré la présence d'une partie à usage d'habitation. Dans ce cas, lorsque la partie à usage d’habitation³ doit être divisée, cette division secondaire devra respecter l’obligation posée par le premier alinéa de la loi du 10 juillet 1965, à savoir une division en lots comportant une partie privative et une quote-part de parties communes.

La complexité de l’ensemble immobilier s’apprécie également au regard du mode d’appropriation des parties divises de l’immeuble.


II. L’imbrication de la propriété privée et de la domanialité publique Selon le code général de la propriété des personnes publiques (C.G.P.P.P), les biens de la personne publique sont insaisissables. De plus, lorsqu’ils répondent aux conditions de la domanialité publique, ils sont également inaliénables et imprescriptibles. Ces biens ne peuvent donc être ni cédés, ni vendus et ne peuvent pas faire l’objet d’une prescription acquisitive. Toute cession nécessitera de soustraire le bien au domaine public par le biais d'un déclassement au préalable. Ils ne pourront donc, logiquement, faire l'objet d'une propriété indivise tant avec des personnes privées qu’avec des personnes publiques comme l’a rappelé le Conseil d’Etat par l’arrêt rendu le 11 février 1994. En effet, les dispositions de l’article 9 de la Loi n° 65-557, 10 juillet 1965 d’ordre public, sont en contradiction totales avec les caractères du domaine public, car le principe de la personne publique « maître chez elle » semble bafoué. En outre, la Haute Juridiction retient que l’hypothèque légale de l’article 19 est contraire au principe d’inaliénabilité du domaine public. Dès lors, c’est une division ne comportant aucune partie commune qui sera mise en œuvre, telle que la division en volumes.

Cette solution, nécessitant de mettre en œuvre conventionnellement des servitudes réciproques entre les différentes propriétés, afin de garantir leur imbrication et leur superposition, a également suscité des débats à l’origine. Il était en effet admis, par une jurisprudence constante (Cass., req., 13 février 1928 ; C.E., 10 décembre 1954, publié au recueil Lebon ; Cass., 1ère civ., 2 mars 1994, n° 87-16.932), que le domaine public ne pouvait être grevé de droits réels car jugés incompatibles avec le principe de l’inaliénabilité des biens du domaine public. Seule une servitude, antérieure à l’incorporation du bien dans le domaine public (C.E., 22 avril 1960, publié au recueil Lebon), pouvait être autorisée, sous réserve qu’elle n’était pas incompatible avec sa nouvelle affectation. Le même principe a été retenu pour les servitudes établies par le fait de l’Homme (Code Civil, art. 686 à 710). Ce principe a été consacré par l’article L. 2122-4 du C.G.P.P.P. qui dispose que « des servitudes établies par conventions […] peuvent grever des biens des personnes publiques […] qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible avec l’affectation de ceux de ces biens sur lesquels ces servitudes s’exercent ». Aucune difficulté ne semble donc persister à ce jour pour appliquer la division en volumes aux ensembles immobiliers incluant des dépendances du domaine public. En conclusion, l’analyse de l’opportunité ou du risque de recourir à la division en volumes peut être résumé à travers le graphique suivant :



III. La division en copropriété : une obligation pour les groupes d’immeubles bâtis

Par opposition au développement précédent, le statut de la copropriété s’applique aisément aux « bâtiments dont l’unique destination se satisfait d’un droit de propriété limité aux volumes « en œuvre », des locaux privatifs, et d’une quote-part d’importantes parties communes » selon V. P. Walet et P. Chambelland, dans « La construction en volumes ». Cette vision est partagée par de nombreux praticiens dont nous faisons partie : l’usage de la division en volumes reste une exception et doit être motivé. En effet, le statut de la copropriété des immeubles bâtis s’applique de manière impérative à « tout immeuble ou groupe d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes » d’après la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Les programmes immobiliers contenant des locaux à usage d’habitation, ne justifiant d’aucune complexité particulière, doivent s’inscrire dans ce cadre certes rigide, mais surtout précis et défini qui permettra, assurément, de protéger les futurs copropriétaires de divers contentieux. Par ailleurs, le statut de la copropriété des immeubles bâtis est reconnu pour les garanties qu’il apporte en termes :

  • d’égalité entre les propriétaires en référence au mode de détermination des quotes-parts de copropriété et tantièmes de charges ;

  • de protection tant des parties communes que des parties privatives grâce à la sacralisation de la destination de l’immeuble ;

  • de gestion par les syndics professionnels. Il n’est pas rare qu’en matière d’A.F.U.L. ou d’A.S.L. l’exercice soit bien plus compliqué.

En outre, l’application de la loi du 10 juillet 1965 permettra de palier à d’éventuels oublis dans les documents contractuels par l’application de dispositions d’ordres légales. En définitive, dans certains programmes le recours à la volumétrie s’impose, dans d’autres il devra être proscrit. La diversité des affectations et la complexité du programme immobilier sont à analyser avec précaution, d’autant plus avec l’avènement du secteur protégé de l’habitation. Gexpertise, de par sa pluridisciplinarité, est à même de vous accompagner pour choisir la bonne organisation juridique en fonction de votre projet immobilier.



¹ V. C. Bosgiraud, Volumes ou copropriété : le choix n’est pas toujours permis, Bulletin CRIDON de Paris, mai 1988, p. 72.

² V. B. Leclercq, Les ensembles immobiliers : Rapport au 73e congrès des notaires de France, Strasbourg 1976.

³ V. CRIDON DE PARIS, Copropriété – Division en volumes – Impact nouvel articler 1er loi du 10 juillet 1965, 19 février 2021, dossier 915819.

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